Le réchauffement climatique, quels impacts sur la biodiversité marine ?

Des dérèglements rapides aux impacts globaux

On estime que 90 % des espèces marines se reproduisent le long des côtes. Pourtant, le littoral est aujourd’hui menacé par les activités humaines. Surpêche, pollution, apport d’espèces invasives et dégradation des habitats sont autant de pressions qui mettent à mal la biodiversité du littoral. Le changement climatique vient s’ajouter à ces menaces pesant sur la biodiversité marine. Comment l’océan réagit face aux émissions anthropiques toujours plus importantes de gaz à effet de serre ? Quelles sont les manifestations du réchauffement climatique sur l’océan ? Quels impacts ces changements engendrent-ils sur la biodiversité marine ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre ici.

 

Augmentation de la température de l’eau

La première manifestation du changement climatique sur les océans est l’augmentation de la température de l’eau. Les océans absorbent 93 % de la chaleur excédentaire générée par l’effet de serre. La conséquence est l’augmentation de la température de la surface océanique (jusqu’à 75 mètres de profondeur) d’environ 0,1°C par décennie entre 1971 et 2010. Les épisodes extrêmes, comme les canicules, interviennent également plus fréquemment ce qui met en péril les écosystèmes côtiers. On sait que les récifs coralliens par exemple, supportent mal le contact prolongé avec des eaux anormalement chaudes. Le réchauffement des océans a également d’autres effets comme de faciliter, dans certaines régions sous-marines, l’introduction d’espèces invasives qui peuvent entrer en concurrence avec les espèces autochtones.

 

Acidification des océans

La seconde manifestation du changement climatique est l’acidification de l’eau. Pour cause, les océans stockent environ 30 % du CO2 rejeté par les activités humaines. Celui-ci réagit avec les molécules d’eau pour former des ions Hydrogène (H+) ce qui cause une diminution du pH. Cette acidification des océans freine le phénomène de bio-calcification des organismes marins possédant une structure calcaire comme les coraux ou les mollusques. On estime aujourd'hui que près de 20 % des récifs coralliens ont disparu, que 25 % sont en danger et, que si aucune action de gestion n'est conduite, 25 % supplémentaires seront menacés d'ici 2050. On peut également observer une diminution de la taille des foraminifères, organismes surtout marins se protégeant sous un test calcaire. L’acidification des océans affecte la répartition des espèces côtières et modifie les écosystèmes en place en faveur des organismes possédant une grande capacité d’adaptation comme les méduses.

 

Diminution du taux d’oxygène

Un autre effet du réchauffement climatique, c’est la diminution de la concentration en oxygène de l’eau. La solubilité de l’oxygène diminuant avec l’augmentation de la température, les océans retiennent de moins en moins d’oxygène. Ainsi, depuis 1960, on estime que la concentration en oxygène dans les océans a baissé de 2 %. De plus, entre 1960 et aujourd’hui le nombre de zones côtières présentant de faibles valeurs en oxygène est passé de 45 à 700 sites côtiers. La diminution en oxygène peut également s’expliquer par le rejet de nutriments sur les littoraux. Les nutriments, issus de la fertilisation excessive des sols et des eaux usées non traitées, favorisent la prolifération d’algues qui se décomposent et appauvrissent le milieu en oxygène. En modifiant les propriétés physico-chimiques de l’eau, le réchauffement climatique fait peser de lourdes menaces sur les écosystèmes marins. La diminution de la concentration en oxygène couplée à l’apport de nutriments favorise la prolifération de micro-organismes et de méduses, qui peuvent survivre dans des milieux pauvres en oxygène. Au contraire, d’autres espèces comme les raies, les requins ou encore les thons ne peuvent survivre dans des milieux hypoxiques.

 

L’une des conséquences du changement des propriétés physico-chimiques est donc une modification des aires de répartition des espèces. On a ainsi pu observer, pour l’ensemble des groupes taxonomiques, un déplacement moyen d’environ 70 km par décennie en direction des pôles et pouvant aller jusqu’à 1000 km par décennie pour certaines espèces. Au niveau des pôles, les organismes marins ne pouvant pas se déplacer plus au nord, n’ont d’autres choix que de s’adapter au changement climatique et de devoir faire face à l’arrivée de nouvelles espèces avec lesquelles ils peuvent entrer en concurrence. 

 

Pourquoi protéger la biodiversité marine ?

Le réchauffement climatique se traduit, dans certaines régions, par une diminution de l’abondance des populations marines ainsi qu’une modification de leurs aires de répartition. Il en résulte, notamment, une modification des stocks halieutiques, c’est-à-dire des groupes d’espèces marines exploitées, disponibles pour la pêche. Ainsi, les pêcheurs des régions situées aux hautes latitudes ont vu leur potentiel de capture augmenter en moyenne de 30 à 70 %, ceci se faisant au détriment des régions tropicales qui ont observé une baisse allant jusqu’à 40 %. En modifiant les stocks disponibles pour la pêche, le réchauffement climatique fragilise les populations humaines qui dépendent de la pêche pour survivre. Par ailleurs, en modifiant les propriétés de l’eau, le réchauffement climatique met tout l’écosystème marin en péril. Ce constat est particulièrement alarmant lorsque l’on sait que la biodiversité des mers et océans fournit 50 % de l’oxygène que nous respirons et absorbe environ 25 % des émissions carboniques liées aux activités humaines. La biodiversité marine, en plus de garantir la sécurité alimentaire de nombreuses populations, est donc responsable de la qualité de l’air que nous respirons.

 

 

Pour aller plus loin

https://ocean-climate.org/sensibilisation/

 

Références complémentaires

Diaz, R. J. & Rosenberg, R. Spreading dead zones and consequences for marine ecosystems, 2008. Science, 321(5891), 926-929.

FAO. La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2016. Contribuer à la sécurité alimentaire et à la nutrition de tous, 2016.

Galvez-Cloutier, R., Ize, S., & Arsenault, S. La détérioration des plans d’eau : Manifestations et moyens de lutte contre l’eutrophisation, 2002.

GIEC, R. K. et Pachauri, A. Reisinger. Changements Climatiques, Rapport de Synthèse, 2014.

Glynn, P. W., & D'croz, L. Experimental evidence for high temperature stress as the cause of El Nino-coincident coral mortality, 1990. Coral reefs8(4), 181-191.

Laffoley, D. D. A., & Baxter, J. M. Ocean deoxygenation: Everyone’s problem. Union internationale pour la conservation de la nature, 2019.

Moy, A. D., Howard, W. R., Bray, S. G., & Trull, T. W. Reduced calcification in modern Southern Ocean planktonic foraminifera. Nature geoscience, 2009. 2(4), 276-280.

Scoffin, T. P. The geological effects of hurricanes on coral reefs and the interpretation of storm deposits. Coral Reefs, 1993. 12(3-4), 203-221.

Wilkinson, C. Status of coral reefs of the world: Global Coral Reef Monitoring Network and Reef and Rainforest Research Centre, 2008.

 

Crédit photo : Laurent Schmidt

Rédaction : G. Rinaldi