Les effets du réchauffement climatique

sur les peuplements halieutiques* et sur la gestion des pêcheries

Les océans ont un rôle central dans la régulation du climat en contribuant à l’absorption de près de 93% de la chaleur atmosphérique et à environ un quart du dioxyde de carbone (CO2) émis par les combustibles fossiles. [1]

Le réchauffement climatique se traduit par l’accroissement des quantités de CO2 d’origine anthropique qui participe à l’acidification des océans et par une augmentation de la température des océans qui provoque une réduction de la concentration en oxygène dissous dans l’eau. Ces modifications physico-chimiques menacent la survie des écosystèmes et de la biodiversité marine dans son ensemble et participent au bouleversement des stocks halieutiques à l’échelle mondiale.

Les impacts du réchauffement climatique sur les populations halieutiques

Des conséquences négatives sur la croissance des poissons

Les besoins en oxygène des populations de poissons sont étroitement liés à leur métabolisme et ont tendance à augmenter avec la croissance du poisson. Les poissons de petite taille ont donc plus de chances de survivre dans des milieux pauvres en oxygène que des poissons de plus grande taille. Une étude menée par l’organisation Nippon Foundation a mis en évidence que la taille des poissons diminue de 20 à 30% par degré supplémentaire de la température de l’eau[2]. Le réchauffement climatique pourrait donc entrainer une diminution de la taille et du poids des poissons. Selon une étude réalisée par l’Université of Britich Columbia (Canada), d’ici 2050 les poissons pourraient perdre environ un quart de leur poids actuel[3].

Une autre étude menée par l’Ifremer a montré que le réchauffement climatique affecte également indirectement la croissance des prédateurs en affectant leurs proies. En effet le plancton est la proie principale des sardines, le plancton disponible aujourd’hui en Méditerranée est moins nutritif qu’auparavant causant des retards de croissance chez les sardines de l’ordre de 3 cm en moyenne. Ce changement de communauté planctonique est probablement associé au réchauffement climatique et à la dégradation de leur habitat. [4]

 

Mollusques et crustacés victimes de vagues de chaleur marines de plus en plus intenses

Les épisodes locaux et ponctuels de vagues de chaleur marines associées à des élévations soudaines de la température de l’eau ont doublé depuis 1982 et ont des impacts directs sur les populations de coquillages des zones de lagunes qui sont parfois complètement décimées.[5] En 2018, une mortalité de 60% des stocks d’huitres a touché l’étang de Thau, dans l’Hérault, à la suite d’une vague de chaleur marine. Ces phénomènes ont un effet significatif sur l’économie conchylicole et devraient s’accroitre, en parallèle avec le réchauffement climatique.

Les aires de répartition des espèces profondément bouleversées par le réchauffement

L’augmentation des températures océaniques liée au réchauffement climatique induit un déplacement des aires de répartition des populations de poissons dans l’hémisphère nord, vers les zones plus froides. Le déplacement de ces populations atteindrait plusieurs centaines de kilomètres par décennies selon le GIEC,[6] avec deux effets notoires : d’une part le bouleversement de toute l’économie de la pêche avec des quotas de pêche profondément modifiés et, d’autre part, l’arrivée d’espèces exotiques contribuant à la perturbation de l’ensemble du réseau trophique[7] des zones associées.

Les habitats benthiques touchés dans leur ensemble

L’élévation des températures des océans a des conséquences directes sur les habitats des fonds marins et les bioconstructions associées. La problématique actuelle liée au blanchissement des coraux en est un exemple flagrant : une élévation de moins d’un degré de la température de l’eau au-delà d’une valeur seuil peut provoquer leur blanchissement et dans certains cas la disparition du récif corallien. Or, les récifs coralliens abritent près du tiers des espèces marines et contribuent à la subsistance alimentaire de plus de 500 millions de personnes.[8]

Les coraux vivent en symbiose avec des algues microscopiques : les zooxanthelles, celles-ci leur procurent couleur et nourriture. Lorsque le corail subit un stress environnemental comme le réchauffement de l’eau il expulse ses algues, se privant ainsi de ses couleurs (d’où le terme de blanchissement) et de ses nutriments. Le corail est alors toujours vivant mais si le stress persiste il finira par mourir.

La nécessaire adaptation des pêcheries face aux effets du réchauffement climatique

Des stocks halieutiques en baisse constante

Une étude portant sur l’impact du réchauffement climatique sur les stocks halieutiques a été réalisée par l’université Rudgers (New Jersey)[9] sur un échantillon de 235 populations (dont 124 espèces provenant de 38 régions du monde) à partir de données de pêcheries comprenant environ un tiers des prises mondiales sur la période allant de 1930 à 2010. Les prises de poissons et de coquillages sur les espèces étudiées auraient diminué en moyenne de 4,1% entre 1930 et 2010 à cause du réchauffement climatique. Les résultats ont démontré des pertes allant de 15 jusqu’à 35% dans certains secteurs.

D’ici 2050, les stocks halieutiques en zone tropicale devraient diminuer de 40%. [10] Toutefois, bien que la tendance générale soit à la baisse des stocks de poissons et fruits de mer, certaines régions du monde devraient connaitre des résultats inverses. L’aire de répartition de plusieurs espèces de poissons a tendance à augmenter dans les régions à plus hautes latitudes comme en Atlantique Nord et dans le Nord du Pacifique.

Les scientifiques du GIEC recommandent une diminution de la surpêche afin d’accroitre la résilience des écosystèmes marins face au changement climatique. Une pêche durable nécessite l’intégration de l’ensemble des conséquences du réchauffement climatique. Les techniques de pêches, les engins utilisés, les calendriers et les zones de pêche doivent nécessairement être adaptés aux contextes locaux.[11] Par ailleurs, une coopération gouvernementale internationale s’avère indispensable au vu du bouleversement des aires de répartition des stocks de pêches.

La pêche artisanale en Catalogne : une cogestion des pêcheries efficace face aux effets du réchauffement climatique sur les ressources halieutiques

La co-gestion des ressources halieutiques renvoie à une gestion adaptative, locale et participative des pêcheries dont les responsabilités sont partagées entre pêcheurs, autorités gouvernementales, associations environnementales et scientifiques.

Le cas de la Catalogne[12] est un exemple concret de cette co-gestion : pour enrayer l’effondrement des stocks halieutiques et faire face aux réglementations de plus en plus drastiques sur la pêche, les pêcheurs artisanaux, en collaboration avec les autres acteurs territoriaux, ont instauré en 2012 un comité de cogestion pour la pêcherie du lançon, suite à l’effondrement de ce stock, visant à établir un plan de gestion pour cette espèce. Le renouvellement du stock de cette espèce semble évoluer positivement et les captures s’en sont trouvées valorisées économiquement (multiplication des prix de vente de certaines espèces entre 2012 et aujourd’hui).

C’est pour répondre à des enjeux semblables que le projet Pêcheurs Engagés pour L’Avenir de la MEDiterranée (PELA-Méd), co-animé par Planète Mer et le CDPMEM Var et constitué de 11 prud’homies varoises, soit près de 200 pêcheurs concernés, propose à la fois, d’acquérir des connaissances scientifiques sur les espèces ciblées par la pêche, d’établir des mesures de gestion durable pour la pêche artisanale aux petits métiers, de favoriser la rentabilité économique des pêcheries du Var et de restaurer et cogérer les ressources de poissons en zone côtière, en intégrant les effets du réchauffement climatique sur les stocks halieutiques.

 

 

*Peuplement halieutique : Organismes vivants des milieux aquatiques marins ou dulçaquicoles (eau douce) exploités par l’Homme (pêche ou aquaculture)

[1] https://ocean-climate.org/?page_id=3845

[2] https://www.nationalgeographic.fr/animaux/le-rechauffement-climatique-risque-de-faire-retrecir-les-poissons

[3] https://www.nature.com/articles/nclimate1691

[4]https://wwz.ifremer.fr/Expertise/Peches-maritimes/Bilan-de-l-etat-ecologique-des-poissons-peches-en-France/En-direct-de-la-recherche

[5] https://www.quechoisir.org/actualite-rechauffement-climatique-des-consequences-de-plus-en-plus-visibles-sur-les-oceans-n71027/

[6] https://www.quechoisir.org/actualite-rechauffement-climatique-des-consequences-de-plus-en-plus-visibles-sur-les-oceans-n71027/

[7] Réseau trophique : Ensemble des interactions d’ordre alimentaire entre les êtres vivants d’un écosystème

[8] https://ocean-climate.org/?page_id=3845

[9] Impacts of historical warming on marine fisheries production: https://science.sciencemag.org/content/363/6430/979

[10] https://ocean-climate.org/?page_id=3845

[11] Océans et climats

[12]https://lifeplatform.eu/wp-content/uploads/2019/03/20190308_CommuniquePresse_PELA-M%C3%A9d_CDPEMEVar_LIFE_FR.pdf