Depuis la première politique commune de la pêche (PCP) de 1983, le secteur de la pêche professionnelle en mer en France métropolitaine a profondément évolué. L’actualisation des chiffres clés sur ce secteur économique à l’échelle de la France permet de faire un état des lieux sur la transformation des activités de la pêche professionnelle et témoigne des nouveaux enjeux qu’elles rencontrent. Tenir compte de ces enjeux est indispensable pour améliorer la gestion des pêches en mer et ainsi contribuer à assurer la sécurité alimentaire nationale.
Depuis la politique commune de la pêche (PCP) de l’Union européenne (UE), la France connait des réorganisations politiques en matière de gestion des pêches. En tant qu’Etat membre, la France s’est engagée dans la mise en œuvre d’une durabilité des activités halieutiques et aquacoles. Cette approche de gestion implique d’assurer la viabilité socio-économique des entreprises de pêche tout en assurant la préservation des ressources et des écosystèmes marins. Dans ce contexte, le secteur de la pêche professionnelle en mer connait de nombreuses transformations, qui ne vont pas toujours dans le sens de sa pérennisation. En effet, la pêche en mer, et plus particulièrement la petite pêche côtière, est aujourd’hui confrontée à de nouveaux enjeux à la fois écologiques et socio-économiques : changement climatique bouleversant la biodiversité marine, raréfaction des ressources, crise sanitaire du COVID-19, diminution du nombre de bateaux de pêche et des emplois, compétition pour l’espace maritime face à l’intensification des usages (éolien offshore, plaisance, etc.), importation des produits de la mer de l’étranger. Les chiffres actualisés intégrant différentes dimensions de ce secteur d’activité permettent de mieux comprendre les difficultés que connait la pêche professionnelle française.
L’évolution du nombre de bateaux de pêche professionnelle en mer
La forte baisse du nombre de bateaux de pêche professionnelle en mer (SIH, Ifremer, 2020)
En 2019 en France métropolitaine, 4 153 bateaux de pêche professionnelle étaient inscrits au registre Flotte de Pêche Communautaire (FCP), 3 912 bateaux de pêche étaient actifs à la pêche professionnelle en mer, dont 1 313 sur la façade méditerranéenne.
Ces chiffres sont révélateurs d’une évolution du nombre de bateaux professionnels français en forte baisse en près de 30 ans. En effet, le nombre total de navires français est passé de 8 771 navires en 1990 à 4 153 en 2019, soit une baisse de 53 %.
Evolution de la longueur des bateaux de pêche professionnelle en mer
Selon l’étude menée par FranceAgriMer en 2020, la France comptait, en 2018 :
- 3 512 bateaux de pêche de moins de 12 mètres. Entre 1995 et 2018, 28 % de bateaux de moins de 12 mètres ont été perdus.
- 668 bateaux de pêche entre 12 et 24 mètres. Entre 1995 et 2018, 53 % de bateaux entre 12 et 24 mètres ont été perdus.
- 156 bateaux de pêche entre 24 et 40 mètres. Entre 1995 et 2018, 33 % de bateaux entre 24 et 40 mètres ont été perdus.
- 37 bateaux de pêche dont la taille est de 40 mètres et plus.
Nombre de bateaux de pêche professionnelle en mer par genre de navigation
Selon l’étude menée par FranceAgriMer en 2020, il existait en France métropolitaine en 2014 :
- 3 253 bateaux pratiquaient la petite pêche (absence du navire au port inférieure à 24 heures).
- 457 bateaux pratiquent la pêche côtière (absence du navire au port de 24 à 96 heures).
- 270 bateaux pratiquent la pêche au large (absence du navire au port supérieure à 96 heures, lorsque cette navigation ne correspond pas à la définition de la grande pêche).
- 28 bateaux pratiquent la grande pêche (navires de plus de 1000 Tonneaux de Jaune Brute (TJB) (c’est-à-dire la capacité de transport d’un navire) ou des navires de plus de 150 TJB si l’absence du port est supérieure à 20 jours).
L’évolution en baisse du nombre d’emplois liés à la pêche professionnelle en mer
Nombre d’emplois directs de la pêche professionnelle en mer
En 2018, le secteur de la pêche professionnelle maritime comptait 16 313 emplois directs de marins-pêcheurs. Dans le secteur de la pêche, la définition d’un emploi direct signifie l’emploi d’un marin-pêcheur embarqué en mer. Entre 1997 et 2018, l’évolution des emplois de marins-pêcheurs a diminué de 26 %, ce qui représente une perte de 5 733 emplois (DPMA, 2020)[1].
Evolution du nombre d’emplois directs par genre de navigation induit par la pêche professionnelle en mer (DPMA, 2020)
Le suivi de l’évolution du nombre d’emplois directs du secteur de la pêche professionnelle ces 20 dernières années montre une tendance globale à la baisse.
La diminution de l’emploi direct de la pêche s’explique principalement du fait de la forte diminution des emplois dans la petite pêche et la pêche côtière :
- La petite pêche connaît une diminution continue de 1% par an sur cette période, soit une perte de plus de 4 000 emplois ces 20 dernières années. Elle explique à elle seule 70% de la baisse de l'emploi dans le secteur de la pêche professionnelle en mer. Malgré son poids relatif qui diminue dans l'emploi global, la petite pêche représente plus de la moitié des emplois. Si l’on tient compte des marins de nationalité française, la part de la petite pêche dans l’emploi global est estimé à 60 %.
- Les emplois dans la pêche côtière connaissent également une baisse depuis 2002 avec plus de 1 000 emplois de marins-pêcheurs perdus ces 20 dernières années.
- La pêche au large et la grande pêche connaissent une évolution plus stable, voire à la hausse. Dans ces deux genres de navigation, une baisse du nombre d’emplois directs a été remarquée jusqu’en 2012, avant une remontée en 2018 avec la création de 400 emplois de marins-pêcheurs dont 240 pour la pêche au large.
Nombre d’emplois indirects induits par la pêche professionnelle en mer (FranceAgriMer, 2020)
Dans le secteur de la pêche maritime professionnelle, un emploi embarqué génère approximativement 3 à 4 emplois à terre au sein de la filière aval. Les emplois indirects sont présents dans différents secteurs d’activités tels que la construction navale, l’équipement des navires et des marins, la commercialisation et la transformation des produits de la pêche.
Situation de la production de produits de la pêche en mer (FranceAgriMer 2020)
Volume des produits de la pêche professionnelle en mer vendus
En 2017, 529 milliers de tonnes de produits de la pêche (fraîche et congelée) ont été vendues en France (DOM inclus).
Au cours de cette même année, les principales espèces vendues par les bateaux de pêche français étaient :
- Le thon : 104 900 tonnes vendues
- L’huître : 80 900 tonnes vendues
- La moule : 51 400 tonnes vendues
- Le merlu : 51 400 tonnes vendues
Valeur des produits de la pêche professionnelle en mer vendus
En 2017, la vente des produits de la pêche (fraîche et congelée) a rapporté 1 360 millions d’euros en France (DOM inclus).
Volume des produits de l’aquaculture
En France métropolitaine en 2017, la conchyliculture marine a produit 135 000 tonnes de coquillages contre 48 000 tonnes pour la pisciculture marine (élevage de poissons).
Valeur des produits de l’aquaculture
En France métropolitaine en 2017, les ventes totales des ressources de la mer produites en conchyliculture représentaient une valeur de 551 millions d’euros et 187 millions d’euros pour la pisciculture.
L’impact du COVID-19 sur la production de poissons (Ifremer, 2021)
En 2020 en France métropolitaine, l’impact moyen du COVID-19 sur la pêche a été conséquent. En effet, les débarquements des pêches maritimes ont diminué de 40 000 tonnes, soit une baisse estimée à 14 % en comparaison avec les années précédentes. En termes de valeur, cette baisse de la production de produits de la pêche représente une perte équivalente de 93,5 millions d'euros. Cette somme représente une réduction de 13 % au regard des années antérieures qui démontraient jusqu’alors une tendance plutôt favorable pour le secteur de la pêche professionnelle en mer.
La consommation française des produits de la mer (FranceAgriMer, 2020)
Consommation des Français en volume et en valeur en 2017
En 2017, 2 241 milliers de tonnes de produits de la mer ont été consommés par les Français. Ce volume de consommation des produits de la mer représente en valeur de 6 471 millions d’euros.
Consommation moyenne annuelle par habitants
En 2015, 33,7 kg de produits de la mer étaient consommés annuellement par les français. Sur ces 33,7 kg de produits de la mer consommés annuellement par les français, 68 % étaient issus de la pêche (poissons, coquillages, crustacés et céphalopodes) et 32 % étaient issus de l’aquaculture (poissons, coquillages et crustacés d’élevage).
20,2 kg, c’est la consommation moyenne annuelle de poissons de pêche par habitant français en 2017. Le thon, le cabillaud et le lieu d’Alaska sont les principales espèces consommées par les français en 2017.
- 3,9 kg, c’est la consommation moyenne annuelle de thon par habitant français
- 2,8 kg, c’est la consommation moyenne annuelle de cabillaud par habitant français
- 2,3 kg, c’est la consommation moyenne annuelle de lieu d’Alaska par habitant français
En matière de coquillages et crustacés de pêche, la coquille Saint-Jacques est la principale espèce consommée en 2017, avec une consommation moyenne annuelle par habitant de 1,2 kg.
Pour les coquillages et crustacés d’élevage, la moule, l’huître et les crevettes sont les principales espèces consommées par les Français en 2017.
- 2,4 kg, c’est la consommation moyenne annuelle de moules par habitant français
- 1,1 kg, c’est la consommation moyenne annuelle d’huîtres par habitant français
- 1,9 kg, c’est la consommation moyenne annuelle de crevettes par habitant français
L’état des espèces pêchées en France (Biseau, 2021)
En 2019, 60 % des volumes de poissons débarqués en France proviennent de stocks pêchés durablement, contre 42 % en 2018 et seulement 15% il y a vingt ans..
Sur ces 60% de populations gérées durablement aujourd'hui, 47% proviennent de populations en "bon état", c’est-à-dire où la pression de pêche et la biomasse (poids total des organismes vivants) sont estimées compatibles avec l’objectif de rendement maximal durable et 13 % sont issus de populations jugées reconstituables (populations où la pression de pêche est dans les normes (c’est-à-dire conforme au RDM), mais où la quantité de reproducteurs est encore insuffisante) ou en reconstitution.
14 % des stocks de poissons (partie exploitable d'une population de poissons) sont surpêchées en 2019, contre 30 % en 2000.
2 % des stocks de poissons (partie exploitable d'une population de poissons) sont considérés comme effondrés en 2019, contre 6 % en 2000.
15 % des stocks de poissons (partie exploitable d'une population de poissons) sont non évalués en 2019, contre 23 % en 2000.
L’évolution des activités économiques de la pêche « dépendent des services rendus par le milieu marin, contribuent à la sécurité alimentaire nationale, s’exercent sur un espace restreint et règlementé » (DIRM Méditerranée, 2016). Les chiffres présentés ici mettent en lumière une tendance à la baisse du nombre de bateaux de pêche professionnelle, des emplois de marins-pêcheurs, de la production de poissons (en volume et en euros). Ils éclairent notamment sur le type de consommation de poissons par les français. Cet état des lieux nous semble nécessaire pour réfléchir aux conditions de possibilité d’une transformation de la gestion de la pêche professionnelle en mer vers plus de durabilité.
Les nouvelles propositions de règlement de la PCP pour l’horizon 2030, financièrement soutenus par les Fonds Européen pour les Affaires Maritimes, la Pêche l’aquaculture (FEAMPA : 2021-2027) prévoient de soutenir le secteur de la petite pêche côtière et les navires ne dépassant pas 24 mètres. Cette nouvelle stratégie élaborée au niveau local des territoires est peut-être une voie de gestion optimale pour ranimer le secteur de la pêche professionnelle en mer à l’avenir.
Bibliographie :
Biseau A. 2021. Diagnostic 2020 sur les ressources halieutiques débarquées par la pêche française (métropolitaine). Ifremer, à consulter ici.
DIRM Méditerranée. 2016. Conseil maritime de façade Méditerranée – Fascicule opérationnel – L’État sur le littoral et en mer Méditerranée (septembre 2016 ) : 96.
DPMA, Observatoire des métiers de la pêche maritime, CNPMEM. 2020. Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans le secteur des pêches maritimes, à consulter ici.
FranceAgriMer. 2020. Chiffres-clés des filières pêche et aquaculture en France en 2020, à consulter ici.
FranceAgriMer. 2020. Eléments d'analyse et enjeux pour la petite pêche côtière et ses populations proches en France métropolitaine, à consulter ici.
Ifremer. Système d'Informations Halieutiques. 2019. France métropolitaine. 2019. Synthèse de la flotte, à consulter ici.
Ifremer. 2021. Bilan de l’état des populations de poissons pêchées en France, à consulter ici.
Rédaction : C. Zeltner-Reig
[1] Ces chiffres tiennent compte des marins français et étrangers, à l’exception, des marins étrangers de la pêche thonière tropicale (450 marins environ) qui ne figurent dans les bases de données transmises à l’Observatoire.